FRANK MICHELETTI
Avec un nom aussi glorieux que Kubilai Khan investigations, il fallait un leader original, à la fois figure de l'ombre et de la lumière, comme le danseur et chorégraphe Frank Micheletti. Sans tapage mais juste le chuchotement du bouche à oreille, le talent de cet homme si peu conforme au profil de danseur contemporain, et du collectif d'artistes (on y trouve des circassiens, des vidéastes, des musiciens, des Japonais, des Vietnamiens...) qui l'entoure, a su se faire entendre à sa juste mesure : celle d'un comptoir d'échanges artistiques qui multiplie les rencontres pour innover sur le terrain de l'altérité et du métissage spectaculaire. Car, si KKI, apparu en 1996, possède évidemment l'esprit de conquête du grand chef mongol, il en a surtout l'ouverture tolérante. Chacune des pièces du collectif transforme le plateau en champ magnétique pour la plus insolite des cohabitations, sans pour autant céder au piège du grand mixe globalisant.(...) KKI trafique des images, des sons, des voix et de la danse pour dérouler une texture polyphonique où chaque élément se détache tout en trouvant un curieux accord dans une partition d'ensemble.
Rosita Boisseau, Panorama de la danse, Les Editions Textuel, 2006
J'aime laisser du temps pour que les images remontent des réserves obscures et qu'elles glissent dans le courant de nos mémoires. Danser nous approche des énergies renouvelables de l'humain ; une géo-poétique et micro-politique des terres inconnues que sont nos corps, qui invitent au voyage dans tous les sens. Les champs artistiques sont cartographiques, ils dessinent les plans où nos vies s'explorent en relation étroite avec ce qui nous entourent ; ils sont aussi des «mondes flottants» courbés par l'énergie des flux, des déplacements où s'actualisent nos rapports au monde. La création est une oscillation, une partition qui déjoue les pièges de l'assignation, de la personnalité. C'est un lieu de circulations, de frictions et d' infiltrations, une architecture invisible.
Frank Micheletti Danseur et chorégraphe, il habite un corps tout terrain et imagine son activité comme une corpo-géographie. Nouvelle petite lubie il s’évade dans le monde sonore et vit des aventures de Sound Designer et passe des nuits sur des platines vinyles sous les traits de Yaguara. Collectionneur de ricochets, il se dépossède par intentions semi-troubles avec des explorations appelées « Collections secrètes » et « No Filter ». Il organise aussi un cosmos dansant et sonore bien nommé Constellations dans la rade toulonnaise. Guidé par une pensée géographique, il s’intéresse aux jungles de l’Occidentalisation et aime observer les transformations en cours dans l’espace urbain et regarde l'interconnexion des mondes comme une respiration. Corps urbain dans lequel il se permet de poser des séries de projets et créations contextualisées qui enrichissent sa palette d’interventions. Plutôt que de vous lister ses créations, il s’attriste de la disparition de la panthère longibande dite « panthère nébuleuse » et se console que l’univers poétique réserve encore des surprises. Son travail s’intéresse à des notions de formes et de distances qui se complémentent aux intersections entre espace, langage et corps. Comme chacun, il voit son budget temps attirer les nouveaux gisements du profit et tâche par des micro-formes de résistance d’être mal armé. Il aime commencer et recommencer un petit rituel qui l'appelle : petite danse Portrait de Frank Micheletti par La Voisine PARCOURS
Il reçoit une formation de théâtre avec Jean-Pierre Raffaelli, travaille avec Hubert Colas et Isabelle Pousseur, puis décide de s’orienter vers la danse. Avant de créer la compagnie Kubilai Khan investigations, Frank Micheletti a accompagné Joseph Nadj sur plusieurs créations en tant que danseur (Le Canard pékinois, Les Echelles d’Orphée, l’Anatomie d’un fauve, Woyzek, Commedia Tiempo, Les Commentaires d’Habacuc) et en tant qu’assistant à la mise en scène pour Le Cri du caméléon réalisé pour le Centre National des Arts du Cirque.
D’autres collaborations parallèles se construisent : participation au Crash Landing : séries d’improvisations initiées par Meg Stuart au Théâtre de la Ville. En 1996, il fonde avec Cynthia Phung-Ngoc, Ivan Mathis et Laurent Letourneur, la compagnie Kubilai Khan Investigations, et signe comme directeur artistique les pièces du groupe: Wagon zek, dépôt 1 (1996), Wagon zek, dépôt 2 (1997), S.O.Y. (1999), Tanin no Kao et Yumé (2001), Mecanica popular (2002), Sorrow love song (2004), Gyrations of barbarous tribes - création franco-mozambicaine (2005-2006), Ona to otoko, Mondes, Monde - Solo, Koko Doko et Akasaka research (2006), Coupures, Mondes, Monde - version quatuor, Maputo, je suis arrivé demain (2007), Constellations (2007-2014) et Geografía (2008). Espaço contratempo (2009/2010), Archipelago (2010/2011), Tiger Tiger Burning Bright (2012), Volt(s) Face / rencontre entre les danseurs de la compagnie et un groupe de Rock (2013), Mexican Corner / en collaboration avec le chorégraphe mexicain Aladino Rivera Blanca (2013), Your Ghost is not enough (2014), Bien sûr les choses tournent mal (2015), no.W.here (2016), Black Belt (2017), L’Empire (2018) Dès 2007, il développe un ensemble de projets qui intensifient la présence de la danse hors des plateaux. Le Festival Constellations en est l’expression la plus complète (à Clermont-Ferrand et Metz en 2007, Clermont-Ferrand en 2009, Toulon en 2009, et chaque année depuis 2012, et à Bandung pour une double édition en 2014). Les parcours constituent une autre facette de ces projets (L’avventura – 2010 à Toulon, Around Us-2011 à Cholet, Multipli/cité(s) 2012 à Aubagne, Nature de l’acte 1 & 2 à Tremblay-en-France 2012). Les créations in situ sont le dernier volet de ce projet hors plateaux (Henka – 2009, Soto ni Deru – 2010, Comme la main s’enroule – 2011, I just desire to touch the sky – 2013, There are no satellites – 2013) Frank Micheletti est nommé en 2007 Artiste associé pour trois années à la Comédie, scène nationale de Clermont- Ferrand ainsi qu’à L’Arsenal de Metz pour deux ans. Au 1er semestre 2008, la compagnie s’inscrit dans le projet «Tremblay, territoire(s) de la danse”, en partenariat avec le Théâtre Louis Aragon de Tremblay en France. Après avoir été Artiste associé de 1999 à 2001 à Châteauvallon, il poursuit son étroite collaboration avec ce lieu. En 2009, il est accueilli à la Villa Kujoyama de Kyoto, en résidence de recherche et de création. Lors de la saison 2011-2013, la compagnie Kubilai Khan a été en résidence au théâtre Paul Eluard de Bezons, puis à Bandung en 2014, avec les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint-Denis, le Théâtre du Beauvaisis, Beauvais et le Théâtre de Salins, scène nationale de Martigues (2017-18). Depuis 2020, Frank Micheletti est artiste associé aux Scènes du Jura, scène nationale. |